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Jet d’encre

« Enfances » de Ralphanie Mwana Kongo - l’enfant est le père de l’homme

vendredi 12 janvier 2018, par Doszen

« Dans ce recueil d’histoires courtes, l’auteure explore la thématique de l’enfance et celle de la construction des identités. Elle donne la parole à ses jeunes personnages ; orphelin livré à la violence des rues, enfant victime de rejet maternel ou en quête de repères affectifs. Trois narrations hautement touchantes et poignantes rédigées dans un style admirable. »

Éditeur

Je connais l’auteure !
Je pense la connaître assez bien maintenant.
J’échange avec elle sur la littérature depuis plus de quatre ans, nous avons partagé les mots de la palabre lors de rencontres littéraires pimentées et j’ai lu, avec l’assiduité ascétique d’un Mollah de la lecture, chacune de ses micro-histoires publiées sur Facebook.
Donc, effectivement, je connais l’auteure ; ses penchants de lectures et surtout, son inclination très marquée pour les textes intimistes, les récits sombres de nos petites vies et, je dirai même, son appétence à explorer le glauque familial, ces tabous que l’on enterre dans les traumatismes de l’enfance. Je l’ai même souvent surnommé Ralphanie Angot-Kongo.
Je n’ai donc pas le moins du monde été surpris de voir la publication, l’auto-publication, de ce recueil de 4 nouvelles sur les blessures de l’enfance, sur l’enfance déchirée. J’étais même dans une attente assez excitée de découvrir cette nouvelle publication qui s’est fait attendre (presque 5 ans d’écart avec « La boue de Saint-Pierre » son précédent roman paru aux éditions L’Harmattan).

Donc, l’objet-livre. Qu’est-ce qui ressort de ma lecture ? Que du positif. Et j’en suis tellement soulagé… :-D
D’abord, parlons d’écriture ; Ralphanie ne déçoit pas. L’écriture est « propre », sans aspérité, c’est vrai, mais fluide et agréable. La narration est, c’est vrai encore, linéaire, mais pour de courtes nouvelles ce n’est pas une faiblesse. Sans être particulièrement inventive ou imaginative, le style de Ralphanie sur ce recueil est efficace et agréable. La vraie force de l’auteure réside, en fait, dans sa capacité, grâce à ses mots, à nous mettre dans la tête de ces personnages, à nous faire adhérer, à nous scotché, au fil narratif qui émerge de leurs cerveaux.

A l’exemple du premier récit, le texte écrit à la première personne nous force à une proximité qui nous fait entrer dans la triste histoire de « Entre père et mère », presque à reculons. Le rejet par la mère est une chose presque taboue dans nos cultures du Congo. Une mère est une mère et penser qu’elle puisse ne ressentir qu’indifférence pour sa fille est une notion que la « maternité » n’a pas pris en compte. C’est larmoyant, presque trop d’ailleurs. Entrer dans le recueil par ce récit nous montre que l’on est pas là pour rigoler… Cette mère qui s’en va en Belgique en abandonnant sa fille au Congo puis reviens kidnapper la gamine non pas par amour mais surtout pour se venger de cet homme qui lui a jadis brisé le cœur… c’est prenant et bien raconté. Mais ce n’est pas ma nouvelle préférée.

La nouvelle qui, je trouve, est particulièrement réussie est celle de « Savimbi ». Elle narre le quotidien d’un enfant de la rue qui a gagné ce surnom de par sa capacité à survivre. Évidemment, le récit est aussi celui des autres gamins qui trainassent dans les rues. C’est aussi celui du recrutement des gamins par des milices qui en feront de la chair à canon. Mais cette histoire est aussi celle d’un geste chevaleresque ; une lumière qui sort de cette boue de désespérance. Très belle histoire.

La nouvelle « Noiraud » est également particulièrement réussie. L’apparence, la beauté, la « mocheté  » qui détruit un gamin. Une mère qui piétine l’amour propre de l’enfant, qui ne le trouve jamais « assez ». Pas assez beau, pas assez intelligent, pas assez mince… il n’est pas assez bien. Piétinez un gamin et vous aurez des chances d’en faire un serial-killer. Dans le cas de Noiraud, c’est presque ça. La frustration et la rage le conduiront en prison. J’aurai aimé que cette histoire se poursuive, juste pour pouvoir suivre le parcours de ce personnage. Comme quoi… c’est une nouvelle extrêmement réussie.

« L’enfant de personne » est la dernière nouvelle et revient un peu sur le même type de rejet que dans « Entre père et mère » ; une mère chez qui l’instinct maternel a oublié de s’installer. L’instinct paternel aussi d’ailleurs. Père riche et fille qui vit comme une pauvresse. Belle-mère caricature de la marâtre. Mère qui veut « protéger son mariage » en sacrifiant sa fille sur l’hôtel de la stabilité de « sa » famille. Bref, tout va mal, rien ne va et on en ressort, encore une fois, avec une enfance maltraitée qui aura des séquelles chez l’adulte.

Vous l’aurez compris, j’ai vraiment aimé ce court recueil de nouvelles. Les histoires ‘mont pris au cœur et chacune d’entre elles m’a touché profondément. Les bémols ? les micro bémols ? une écriture qui, je trouve, n’apporte pas l’étincelle qui embraserait une très touchante narration et, et…
Sur la première nouvelle il y a un viol. Le viol d’une gamine naïve par un ado goujat et inconscient du mal fait. Je trouve que là, l’auteure a un peu « bâclé » cet épisode. C’est raconté comme une simple déception amoureuse, une salissure à la réputation, à l’image et à l’amour-propre et ça donne l’impression que la violence de l’acte est un peu édulcorée. C’est, en tout cas, l’impression que j’ai eu en lisant cette scène. J’ai eu l’impression que l’auteure ne s’était pas livrée complètement, n’était pas allée au bout de la violence physique et psychologique. Et c’est dommage.

A découvrir à tout prix !


« Enfances »

Ralphanie Mwana Kongo

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