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JET D’ENCRE

RIWAN ou le chemin de sable - ... qui s’embourbe

Ken BUGUL

dimanche 2 juin 2013, par Doszen

Voici un livre qui m’a frappé, dont la lecture - il y a maintenant quelques temps - n’a pas été inutile tellement elle m’a apporté de quoi regimber, argumenter, polémiquer. Je livre le sentiment immédiatement après lecture que j’avais soumis au blog "Chez Gangoueus".

L’écriture de Ken Bugul est fluide, poétique et vive.
Le tableau brossé sur les vies polygames, le fonctionnement de certaines sociétés sénégalaises est magnifique et super instructif. Au travers des portraits de ces femmes on "voit" la vie, la société telle qu’elle se présente pour elles.
Et ce livre est particulier.
J’ai adoré le lire, tout en détestant certains messages sous-jacents.

La femme décrite est manifestement une blessée, aigrie, qui a subit surement - on le lit entre les lignes - une vie amoureuse chaotique lors de sa vie en Europe, et elle retrouve un second souffle en se réfugiant dans sa culture. De fait, on a l’impression qu’elle en sublime même les aspects les plus rétrograde !
Tout devient "superbe culture africaine" par ses mots.
Toutes les 28 femmes semblent "parfaitement heureuses de leur sort". A peine nous laisse-t-elle deviner que Sokhna Rama n’est pas si bien que ça, vu sa fin tragique, mais là encore, c’est presque par amour !
Très peu de mots sur le fait que ces femmes n’ont absolument pas eu le choix qu’elle a eu.
La narratrice a fait le choix de revenir dans cette société polygame (être la 28e femme par choix) où la place de la femme est toute tracée dans l’arrière-court à attendre son tour de nuit d’amour. Les autres n’ont eu aucun choix. Elles ont été "offertes" parfois à douze ans au "Sérigne" en signe d’allégeance spirituelle.
De plus, elle a la place, enviable, d’épouse "intellectuelle", donc particulière et qui joui des libertés que n’ont pas les autres femmes.

J’ai trouvé que ce livre était une ode au mouridisme que le meilleur agent de communication aurait pu faire.
Le fonctionnement de ce cloaque familiale fait penser à la pire des sectes Moon ou Raelien en tête, mais dans les pages de ce livre ça devient "valeur des cultures africaines"...
Et, connaissant les réalités de ce Sénégal traditionnel, Quid de l’excision ? Aucun mot. Pas une ligne sur cette pratique. Venant d’un livre qui parle de femmes, qui dresse leurs portraits dans un contexte culturel ouest-africain... je trouve ça limite. Très limite.

Et globalement mon sentiment de gêne vient de là. Très peu de critique, d’auto-critique des aspects négatifs de ces sociétés. Le diable c’est l’occident et ses valeurs.
Sans cesse cette "comparaison" en formant d’attaque de l’occident (immigration, sans papier, discrimination) quand on préférerait que la narratrice restât sur ces portraits de femmes qui ne sauront sans doute jamais ce qu’est cette réalité. Mais l’on perçoit que cela vient des blessures de cette narratrice que la vie occidentale à trahie.

Au final, c’est un livre que je conseillerai à tous de lire car c’est une très belle écriture et une très belle plongée dans ce monde des mourides et dans la réalité des femmes de cette société. Avec toutes les réserves qu’il faut y mettre.

Autres avis :
Chez angoueus
MarianneL
J’aime la littérature africaine
Liss dans la vallée des livres


RIWAN ou le chemin de sable

Ken BUGUL

Édition Présence Africaine, 1999