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Jet d’encre

« Voici venir les rêveurs » de Imbolo Imbue

Un phénomène médiatique

lundi 24 avril 2017, par Doszen

« Aux États-Unis et au Cameroun, en 2007.
Nous sommes à l’automne 2007 à New York et Jende Jonga, un immigrant illégal d’origine camerounaise, est en passe de réaliser son rêve : après avoir été plongeur et chauffeur de taxis, il vient de décrocher un emploi de chauffeur pour Clark Edwards, riche banquier à la Lehman Brothers. Pour Jende, tout est désormais possible : il va enfin pouvoir offrir à Neni, son amoureuse, les études de pharmacienne dont elle rêve. Et surtout, pour les Jonga, le Graal est en vue : obtenir leur carte verte et devenir enfin des Américains.
Mais rien n’est simple au pays de l’American Dream. Entre Jende, loyal, discret, compétent, et son patron Clark, noyé dans le travail et les difficultés de la banque se noue une vraie complicité. Les deux familles se rapprochent, mais si les Jonga sont soudés malgré l’épée de Damoclès de l’expulsion, les Edwards sont en proie à de nombreux problèmes. Pour tous, l’interminable demande d’asile des Jonga et la menace d’éclatement de la bulle des subprimes vont remettre en question leurs certitudes… » – Éditeur

Je sais, Je ne devrais pas commenter un livre pour lequel j’avais un a priori plutôt négatif, dès le début, de par le buzz médiatique qui a accompagné sa sortie. Non pas parce que je suis vieil aigri jaloux du succès d’une parente K-mère, mais parce que j’ai appris, par de douloureuses lectures, que je buzz littéraire accompagne bien souvent des daubes sans nom. Presque toujours.
Donc, pour être honnête, dans ce qui suit, mon jugement peut être perturbé par le tapage médiatique, et monétaire, qu’il y a eu sur ce livre.
Car, vraiment.
Vraiment.
Vraiment, il faudra, à un moment, que les africains deviennent vraiment responsables des buzz autour de leurs auteurs. Il faudrait qu’ils soient ceux qui mettent aux cimes les œuvres présentées comme les « must read ».
Parce que là... Tout ça pour ça...

« Cinq cents dollars ! Que le seigneur bénisse Mme Edwards ! Mais son frère n’avait demandé que trois cents. Devait-il envoyer la totalité, ainsi que Mme Edwards l’avait demandé ? [...] Mme Edwards lui avait demandé d’envoyer l’argent le jour même, et il devait agir selon sa volonté - il avait tiré une leçon de ses années sur terre : les bonnes choses n’arrivent qu’à ceux qui honorent la bonté des autres. »

Dès les deux tiers du livre, que dis-je, le premier tiers, l’on n’a pas encore le dénouement final mais les seules impressions font craindre le pire.
Le pire ? Non. En fait, je dois dire, que je poursuis cette lecture avec plaisir. C’est un bon livre. J’aurai - peut-être - osé le "très" si je ne sortais pas des lectures de "La sonate à Bridgetower" de Emmanuel Dongala ou "Nouvel an chinois" de Koffi Kwahulé qui me font relativiser, encore plus, mes impressions. Mais ça reste un bon livre.

En fait, cette auteure, en vraie anglophone, a écrit un livre à l’américaine. Un livre qui a vocation à être mis sur grand écran. Qui est écrit de façon visuel, narré comme un prêt à porter au grand écran – cathodique – avec un minimum de boulot de la part du metteur en scène. Le buzz médiatique vous font espérer un œuvre littéraire, la réalité vous mets en face d’un téléfilm pour ménagère de moins de cinquante ans, les lundis après-midi. Imbolo Imbué nous conte une jolie histoire, un de ces films dans lesquels on verrait Hughes Grant jouer les Mr Edwards, le milliardaire de chez Lehman Brothers, et un Denzel en chauffeur de taxi sans papier ou, si on la fait un peu plus "humour", un Chris Rock dans le rôle de ce Jende. C’est pour cela que c’est plaisant à lire car c’est une lecture facile, sans réelle surprise, relaxante. Un peu frustrante aussi car, comme un bon Barbara Cartland, il ne laisse pas la place à l’imagination. Tout est balisé.

Mais le réduire à une bleue-te serait injuste. Car il y a une certaine densité dans le propos. Le rêve des migrants sans papier, leurs espoirs, mais aussi la vie de couple, la vie de famille versus l’argent, et Wall-street. Car l’ingrédient façon "Loup de Wall-street" vient donner de l’originalité à ce roman, si l’on considère que c’est roman africain, banal si c’est un roman américain. La saga Lehmann Brothers vécut de l’intérieur, les familles riches qui s’effondrent alors qu’elles se fermaient les yeux et les familles pauvres qui en prennent plein les dents. Pas révolutionnaire mais intéressant.

En fait c’est ce qui me gratouille un peu. Le côté "moyen" de l’ensemble. L’écriture est proprette et sans aucune aspérité. Une sorte de bon polar, avec peu de rebondissement mais qui se laisse lire La narration est linéaire et sans vraiment de surprises. La partie "africaine" de l’histoire des migrants est traitée sans surprise. La littérature africaine compte des tonnes d’histoire semblables, et plus prenantes. Les problématiques "américaines" de la famille riche, détruit par le travail et l’argent... le cinéma l’a traité jusqu’à l’écœurement.

La question du retour... éternelle antienne. Kidi Bebey l’a également superbement bien traité.

« Quand les gens leur demandaient leurs origines, ils répondaient souvent :"Oh, nous sommes de New York, des Etats-Unis." Ils donnaient cette réponse avec fierté, croyant à leurs paroles et avouaient seulement devant l’insistance des gens que, oui, en réalité, leurs parents étaient africains. Mais eux étaient américains, ajoutaient-ils toujours - ce qui blessait Fatou et la conduisait à se demander s’il était possible que ses enfants pensent valoir mieux qu’elle, parce qu’ils étaient américains et elle, africaine ? »

En fait, ce livre est sympa. Sans plus. Et c’est sans doute ça le problème. Une sympathique lecture, un roman de gare qui ferait bien dans la case film des après-midi de TF1. Se lit très vite, se consomme d’une traite comme bon produit du rayon frais. Ça me fait penser à ma découverte de Marc Levy et le côté déceptif qui teinta ma lecture de cet auteur maxi vendu.
Livre vite lu, qui sera vite oublié. Mais je conseille toute de même sa lecture. Un week-end de farniente. Sur une plage, un daïquiri mangue frais à la main.


« Voici venir les rêveurs »

Imbolo Imbue

Belfond