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Virées du week-end

Bienvenue aux comédies des Afriques indépendantes

vendredi 6 août 2010, par Doszen, Dridjo

Je voulais attendre la fin du triptyque proposé par le festival « Sautes d’humour » avant d’en donner l’écho. J’avais prévu de patienter jusqu’à la fin des trois représentations que donne le Tarmac de la villette dans le cadre des 50 ans des indépendances africaines avant d’en faire un billet général ; un coup de gueule bien senti comme je les aime, qui aurait servi à donner aussi mon sentiment sur ce sujet brulant pour les amoureux "des Afriques" – dixit Astou –, mais il m’est impossible de repousser plus longtemps mon appel à participation. Il me reste encore le « Bienvenue O Kwatt » de Valéry Ndongo à aller voir, mais je suis obligé de m’épancher dès maintenant.

Je vous crie, vous implore, d’aller vous faire plaisir ! Oui, vous avez bien lu, je vous supplie à genou pour votre propre bien, mais à votre tour vous viendrez me remercier, plié à quatre pattes, si vous m’écoutez. Plié de rire.

J’ai commencé ma revue historique des indépendances africaines avec Monsieur Dieudonné Kabongo Bashila comme Sherpa grâce à son « Bas les masques ». Ce guide vous traine dans son sillage et vous explique que son village, perdu dans un coin non localisé de l’Afrique, souffre de n’avoir pas encore été découvert !
Tous les explorateurs, colonisateurs, esclavagistes sont passés, repassés – fait trépasser – par tous les villages voisins sans jamais lever le sourcil en leur direction, et de ce fait ils sont la risée de tout le voisinage. Il leur faut absolument, pour figurer dans l’Atlas, passer par les étapes immuables des explorateurs, esclavagistes, colonisateurs, décolonisateurs, dictateurs, etc.
C’est ce cadre "totally space" qui sert de trames à Monsieur Kabongo pour son rappel historique, et actuel, de ce que sont les rapports entre Occident et Afrique.
Croyez-moi, je vous promets que j’ai rarement rit avec si peu de retenue devant un auditoire constitué de tant de jolies filles. Ma philosophie de "la prestance à tout instant", de la froideur, a volée en éclat dès les premières minutes du spectacle.
Pendant une heure le comédien se "défonce" sur scène avec pour seul décor une table rappelant un banquet – tenu probablement la veille –, et joue avec des projections d’images et de sons. Je n’y connais absolument rien en mise en scène, mais l’inculte que je suis a adoré ce jeu entre le comédien et le projecteur.
En un mot comme en cent, je dis et redis, ce gars-ci est bon, très, très bon même ! Un moment j’ai eu l’impression que mes zygomatiques allaient déserter mon corps tellement mon rire les sollicitait. Je les ai presque entendu gueuler " hé mais toi, fais doucement, on sait que c’est drôle, mais faut quand même rire avec mesure !"
Je ne les aie pas écouté, j’ai rit de bon cœur et de bon cerveau. Car, make no mistake, ce spectacle n’est pas seulement poilant, il est intelligent, profond. Il nous rappelle à ce que sont nos responsabilités, à ce que sont leurs responsabilités, quelque que soit notre continent d’origine.

Akakpo, Akakpo, Akakpo… c’est de sa faute. C’est à cause de lui et de son spectacle « Chiche l’Afrique » que j’ai précipité l’écriture de ce billet. J’avais trop peur que les mots qui me venaient s’enfuient si j’attendais plus longtemps. Ou que ma flemmardise ne remette la main sur moi et n’écorche mes doigts. Et je vous assure que C’eût été dommage, grave, gravissime, si je ne vous avez pas parlé du spectacle de ce Monsieur.
Revue de presse historico-drolatique. C’est la première expression qui m’est venue à l’esprit pendant les premières minutes de Akakpo sur scène. Quand tour à tour il a commencé à faire défiler les personnages de – feu – Omar Bongo, de "Popole" Biya, de Eyadéma père, Sassou Nguesso, Ouphouet Boigny, et autres. Il les a invité sur scène les caricaturant à peine, les mettant à nu et renvoyant au public ce que ces hommes ont fait des idéaux des indépendances.
Revue de presse tragi-comique. Je ne savais pas s’il fallait rire de l’historique bêtise des africains ou pleurer de voir l’Occident continuer à nous prendre pour des cons quand Akakpo, imitant de façon hilarante Sarkozy, a repris une partie du discourt de Dakar, en le mettant en perspective avec les réflexions d’un africain faussement ingénu. C’était à se dilater l’intestin grêle de drôlerie et à se percer le poumon gauche d’angoisse. Angoisse quand on pense, qu’en fait, ce discourt est vrai, aucune exagération si ce n’est les tics légendaires de l’actuel président français. Et encore.
Revue des troupes franceafricaines. Tour à tour sont venus nous passer le bonjour messieurs Chirac et ses visites à son "ami" Bongo, Pasqua – excellentissime la scène du prof en "Probité morale"–, Bernard Henry Levy et l’exploitation du bois gabonais, Bocquel le viré qui a voulu avoir raison trop tôt, Lauvergnon et le "nucléaire propre" d’AREVA qui salit les enfants nigériens … Nous les avons tous revus.
C’est presque effrayant d’avoir tant rit au cours d’un spectacle qui ne faisait, en fait, que rappeler des faits historiques, datés, chroniqués et qui, mis bout à bout, nous retourne le cerveau.
Et la cerise sur le gâteau c’est ce final complètement inatendu. Un final parfait après plus d’une heure de spectacle. Je n’en parlerai pas, mais sachez que plusieurs heures après, j’essaie toujours de retenir cette satanée larme qui s’obstine à vouloir dégouliner sur mes joues.
Chapeau Monsieur Akakpo.



Plus d’info :
Festival Sautes d’humour

« Chiche l’Afrique » – Gustave Akakpo/ Thierry Blanc
« Bienvenue O Kwatt » – Valéry Ndongo/ Sonia Ristic
« Bas les Masques »– Dieudonné Kabongo/Lorent Wanson


Théâtre le Tarmac
Parc de la Villette
211 avenue Jean Jaurès, 75011 Paris
01 40 03 93 95


Voir en ligne : Festival Sautes d’humour