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Un homme averti

lundi 10 novembre 2003, par Dridjo

Un homme averti

L’avantage quand on se trouve dans une colonie relativement restreinte, c’est que tout le monde ; ou presque ; se connait. Et dès l’arrivée de chaire fraîche tout le monde est alerté, au courant. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire ; tel l’avènement du roi lion ; la forêt entière sait qu’untel est arrivé. Son background est disséqué, son CV passé à la moulinette, son livre d’or ouvert et archivé.
Mais surtout quand à Dakar, ils avaient à faire à un jouvenceau tout juste tombé de l’avion, on le mettait aux prises avec le Doyen pour son affranchissement. Et là, c’était la fête à neuneu !
Le Doyen était l’homme chargé de vous traumatiser et de vous mettre, de manière brutale, au courant des mœurs en vigueur dans ces contrées reculées ( !!). C’est lui qui faisait tomber les illusions des jeunes en rut qui arrivaient à Dakar avec pleins d’espoirs et d’illusions.

Car imaginez ce qui se passe dans la tête d’un goléador congolais qui arrive dans un pays à 80% musulman. Pendant le trajet il se triture le cerveau en se disant « p... ce pays là doit être rempli de filles voilées et moches ! Je vais souffrir le martyre... ».
Il se voit déjà économisant sa semence pendant les quelques années d’études qui l’attendent. Vous imaginez Trézéguet obligé de jouer arrière droit, lui qui ne vit que pour marquer ?
Mais pour peu que le néo-dakarois arrive un jour de fête ; la saint sylvestre par exemple ; et qu’il aille faire un tour sur la « Place de l’ Indépendance » (le champs Élysée sénégalais) , il aura l’impression que les yeux lui sortent de la tête !
Tout le monde à déjà vu ces clips de Rap ou R&B dans lesquels on a l’impression qu’il existe un arbre ; la « fillères ( ! ) » ; qui a pour fruit des filles magnifiques. Imaginez un homme ; que dis-je, un coq ; qui se retrouve dans une basse-court inondée de poulettes, de « filles des clips » qu’on dirait sorties des meilleures réalisations des Snoop, Nelly ou autres Timberlake.

C’est là qu’intervient le Doyen. Il est chargé de ne pas vous laisser vous perdre dans vos illusions ; vous sortir des bras de Morphée ; vous empêcher de chasser des chimères. Et avec sa petite voix de fausset (ce qui est assez déroutant au départ compte tenu du fait qu’elle sort d’un corps aussi massif) il s’évertu à briser votre moral.
Un exemple, minime, d’une conversation-accueil type :

Doyen : Petit es-ce que dans ton bled tu étais bon ?
Le « Venant » : Bon ? Comment ça bon ?
Doyen : Es-ce que tu avais des copines, es-ce que tu baisais au bled ?

A cette étape, le « venant » commence à se poser des questions sur l’état mental de ce plus que trentenaire qui l’interpelle, lui à peine post-pubert, de manière si abrupte.

Le « Venant » : Ben... oui, j’avais une copine.
Doyen : Une seule ? Ok, donc à toi, je donne un an et demie.
Le « Venant » : Un an et demie pourquoi ?
Doyen : Un an et demie de CECOS. Dont six mois au PDC.
Le « Venant » : Mais qu’es ce que tu racontes ! Moi je suis bon depuis le bled, j’ai du style, la tchatche, le joli minois et avec les superbes filles que j’ai vu ici, je vais faire mal !!
Doyen : Petit naïf ! Tu ne sais pas encore que les Sénégalaises sont comme des guêpes ; si tu fais des calculs sur son cul, elle en fera sur tes poches, te piqueras au niveau de tes finances finances.
Doyen :Fais gaffes à toi petit. Moi quand je suis arrivée ici j’étais sûr de faire très mal. Mais après six mois de compagne j’ai constaté que je ne dépensais plus que je ne baisais !
Le « Venant » : Ha !? Mais ça c’est ton cas à toi, moi je survivrais
Un tiers : Tu te prends pour Ken ?
Doyen : Jeune, c’est vrai que les femmes ici sont dessinées comme des mortiers, elles adorent les vêtements sexy et moulants. Mais un conseil petit, tes parents t’ont envoyés ici pour faire des études alors contentes-toi d’étudier sinon dans un an tu reviendras me voir et tu me donneras raison.

Tout cela se passant devant un assortiment assez conséquent de moqueurs, d’agitateurs et autres bouffons du roi ; vous pouvez bien imaginer que sorti de cette entrevue le nouveau venu se trouve quelque peu déboussolé.
Comme Duboscq il pourrait se dire « Ce mec là, sur l’autoroute de l’amour, il est sur la bande d’arrêt d’urgence ».
Mais non, le pire c’est que s’il ne prend pas en compte ; avec parcimonie ; les commentaires du Doyen, la prophétie à de grandes chances de se réaliser !!