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L’Africanitude médiatique ou l’anti-diversité culturelle‏

mercredi 2 mars 2011, par Doszen

Africanitude, médias et culture.
Désolé de commencer mon billet par ce néologisme pas beau du tout, mais j’ai tourné et retourné mon cerveau pour trouver le terme le plus approprié et whalou, c’est le seul qui est ressorti, "Africanitude".
Je vais, désolé, vous abreuver de clichés. Mais ce cliché que je rencontre depuis trop longtemps maintenant, cliché dont je prends de plus en plus la mesure depuis que je m’intéresse d’un peu plus près au monde culturel afro-européen, et par ricochet, à son monde médiatique, me fout le bourdon : "Les noirs n’aiment pas les noirs", et non, "nous on avance" pas !
Ok, remettons les choses dans l’ordre pour éclaircir mon propos.

J’ai eu la joie de participer le 24 février dernier à une soirée AfriquaParis. Le concept de ces rencontres est simple ; donner l’occasion à ceux qui sont dans les arts du récit "des Afriques" de parler de leurs projets, de promouvoir leurs activités artistiques que ce soit sur les planches d’un théâtre, les lumières d’une caméra de cinéma, la blancheur des pages d’un roman.
Comme toujours à ces rencontres, il y a des découvertes intéressantes, des discussions, parfois enflammées. Mais toujours, toujours, dans les yeux des invités on trouve une passion réelle pour ce qu’ils font et qu’ils veulent partager.
Ça c’est le pendant "Oui-oui au pays des merveilles" de mon billet d’aujourd’hui.

Ensuite, il y a le volet "Rémi sans famille". Sans aucune famille journalistique et médiatique du tout, parce que l’autre gamin là, au moins, il avait maitre Vitalis, mais l’art des Afriques en France, lui n’a – semble-t-il – personne !
J’ai tellement souvent entendu de complaintes sur le thème "il n’y a pas assez de représentativité dans les médias français", "on ne parle pas de nous de façon positive sur les télés françaises", etc… et autres – sauf votre respect – conneries du genre, que j’ai failli y croire. J’ai failli tomber dans le piège de la théorie du complot anti-africains des adeptes du Da Vinci Code, façon kémite !
D’accord, d’accord. Le constat est vrai, il n’y a pas beaucoup de couleurs sur le PAF (Ndrl : Paysage Audio-visuel Français) et en plus, les sujets dits "de culture" sont, d’une façon général, les parents pauvres des médias. Et quand ça touche les livres, le théâtre et les Afriques dans le même mouvement, c’est la bérézina totale ; rien, rien, ou presque rien.

Je me focalise sur la foultitude de médias web (écrit, radio, télé) qui se targuent de cibler les "diasporas", les "minorités", ou simplement qui prétendent apporter un regard neuf sur les médias. Très peu, très très peu ont mis l’accent sur les arts du récit. Vous pouvez compter sur les doigts d’un moignon les médias Web – qui sont pourtant la vraie puissance de diffusion d’aujourd’hui – qui mettent en priorité les évènements culturels – livres et théâtres plus précisément – des Afriques dans leurs programmations.
Oh, ne vous y trompez pas, ils parlent d’art. Ils surfent sur les actualités littéraires/théâtrales déjà couvertes par les médias généralistes, sans rien changer dans leur approche sinon – trop souvent – une récupération sous format "diasporique". Surfant sur l’origine de l’artiste déjà célèbre – et célébré – pour justifier de leur intérêt pour ce dernier.
On a l’impression – j’insiste sur l’impression – qu’aucun journaliste ne veut faire son travail de recherche, d’information, de vecteur, en allant fouiner dans les petits théâtres, dans les librairies modestes, pour découvrir de vrais talents et les faire partager au plus grand nombre. Nous savons que dans tous les médias la tendance est au surfe type "les dépêches AFP", et dans les médias de "la diversité" la tendance semble être encore plus marquée.

Je reviens donc sur mon barbarisme "Africanitude" de plus haut. Ce mot, pas beau, exprime une tendance, pas belle, à revendiquer des particularismes pour simplement faire pire que ceux que l’on dénonce. La "culture" dans les médias Afropéens (merci à Léonora Miano pour ce terme) se réduit trop souvent à la musique, à la mode – et encore, c’est assez nouveau – et… rien, ou presque.
Que les rares médias qui sont vraiment différents excusent ma tendance à la généralisation.
Mais j’en ai vraiment assez de hanter les petites salles des théâtres parisiens et de ne jamais y voir le moindre objectif photo ou caméra professionnel.
D’arpenter les trottoirs de la rue Léon ou la rue Weiss et ne jamais voir mentionné dans les journaux les spectacles joués au Lavoir Moderne, ou au théâtre Dunois.
De squatter les allées du théâtre de la Reine Blanche à La Chapelle ou du Tarmac de La villette sans jamais voir les échos de leurs productions dans une presse qui se targue de ne pas être un des suppôts de l’intelligentsia médiatique occidentale.
Pff…

J’adore la musique, je suis un fan de la première heure du rap, fils du Ndombolo et disciple du Bobaraba, mais messieurs et dames de la presse afropéenne, s’il vous plaît, parlez nous de livres, parlez nous de romanciers, parlez nous de théâtre, parlez nous de comédiens.
Il y a tout un univers qui n’attend que les lumières de votre profession pour apparaitre au grand jour et montrer au monde la richesse immense qui est tapis sous les roches africaines des travées européennes.

Parlez-nous de "Esclaves" (K. Alem), "Le cœur des enfants Léopards" (W. Nsondé), "Le dernier des orphelins" (T. Monemembo), "L’instant d’un regard" (M. Tadessé), "Al Capone le malien" (S. Tchak), " Si tu cherches la pluie, elle vient d’en haut" (Y. Belaskri), " Détonations et folie" (Liss Kihindou) ….
Faites des portraits des Gina Djemba, Modeste Nzapassara, Félix Sabal-Lecco, Mata Gabin, Emil Abossolo-Mbo, Mariann Mathéus, Paulin Foualem Fodouop, etc…
Parlez d’eux, parlez d’eux jusqu’à plus soif et n’attendez pas que les sirènes des médias institutionnels vous les rendent intéressants. Intéressez vous aux artistes et aidez-les à émerger.

De grâce, faites un geste pour la culture des Afriques, faites – bien – votre boulot de vecteur !

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