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Mélange culturel

Lundi 10/10/2005

lundi 10 octobre 2005, par Dridjo

Bien que prompt à déclamer avec fierté "plus africain que moi c’est pas possible", je sais pertinemment que le contact d’avec l’autre m’a changé. Et il n’est pas question de porter un jugement de valeur sur les changements que l’on subit, mais simplement de constater que l’on a changé.

La première chose qui m’a frappé dans "l’aventure ambigüe" de Cheikh Amidou Kane c’est la finesse avec laquelle il a su décrire des sentiments que je n’arrivais pas à transformer en mots. Je ne parle pas de ce mode d’éducation dure et cruel qui est censé faire de nous des grands hommes, encore une stupidité que des gens aigris et méchants insèrent dans des cultures pacifiques et aimantes à l’origine. Non. Je parle du sentiment de perte qu’induit la rencontre d’avec l’autre.

Dès l’instant où mes parents ont mis les pieds en Auvergne dans le but de faire des études dispensées par des européens, ils ont perdu un peu à leur culture. Dès l’instant où j’ai mis les pieds dans des écoles françaises, j’ai perdu encore un peu plus de mon "africanité".
Bien que prompt à déclamer avec fierté "plus africain que moi c’est pas possible", je sais pertinemment que le contact d’avec l’autre m’a changé.
Et il n’est pas question de porter un jugement de valeur sur les changements que l’on subit, mais simplement de constater que l’on a changé. Il s’agit de ne pas reproduire les discours hypocrites qui prétendent que" l’intégration réussie consiste à prendre le meilleur de chaque peuple", car qui défini la notion de "meilleur" ? N’est-ce pas la morale culturelle
de chacun qui défini la notion de "meilleur" et si cette morale culturelle change, même imperceptiblement, sans qu’on le remarque, est-il alors juste de penser "meilleur" ?

  • Dans mon héritage noir corriger un enfant est un acte qui va de soi dans son éducation, mon européanisation rendrait mon acte violent et brutal.
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  • La première nuit que j’ai passée sous le toit des parents de ma petite amie m’a tétanisée. Ma part noire me flagellait pour un tel irrespect. Ma contra posée culturelle tançait mon manque d’ouverture d’esprit, mon éducation rétrograde.
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  • Ma réserve naturelle et son ombre "individualisme" trouvent un terrain propice à leur enracinement dans la vie européenne, elle est décriée et combattue par un réseau dense de relations familiales, amicales dans toutes les rues sablonneuses des citées africaines.
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  • Le parasitisme familiale de mon héritage nègre subit les assauts du vermifuge qu’est "la réussite par le mérite individuel" des réalités hexagonales.
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  • La pression morale qui assaille mon "Surmoi" africain est largement mis en balance par mon " Sa " blanchît par des années de vie sous l’hiver Européen.
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Personne ne sort indemne d’une rencontre d’avec l’autre. L’africain qui clame fièrement vouloir "préserver sa culture" ferait rire jusqu’à l’apoplexie son arrière-grand père, que dis-je, son père.

Le sol que jadis ma plante de pied de 10 ans foulait, insensible à la présence de gravillons coupants, ne supporte déjà plus de jouer au football sur du gazon sans mes Nike ou autres Adidas.

Ces piqûres de moustiques que mes anticorps repoussaient avec dédain, d’avoir trop baigné dans le luxe de propreté de la vieille Europe, aujourd’hui ils me conduisent au bord d’un cercueil porté par des milliers de " Plasmodium Malariae".
Moi qui m’enorgueillis de mes racines, dédaigne les assimilés et les acculturés, le retour à mes sources me renvoi à mon image de " Bounty ". Je suis un " muana ya poto* " [1]. Que je le veuille ou non, ceux dont les pieds sont toujours restés enracinés dans cette noire terre d’Afrique sentent le parfum de ma sève qui n’a pas été synthétisée à partir des mêmes sels minéraux que la leur.
Mon " Moi " entier a subit de tel changement que jamais plus la terre ne se souviendra de moi. La seule chose à faire c’est de laisser à la faune, la flore, les murs, les routes, le temps de digérer leur deuil et le temps pour eux d’accepter un autre fils à la place de celui qui est parti et qui est à jamais perdu.

Je le redis, il n’y a là aucun jugement sur les valeurs culturelles, il s’agit d’un constat. Nous sortons de chez pour aller côtoyer les autres, prendre un peu de ce qu’ils possèdent, nous revenons chez nous privé d’un peu de ce que nous avions emporté lors de notre voyage. Le seul challenge c’est de faire en sorte que la balance pertes/acquis ne penchent pas du mauvais côté. Quand on aura trouvé quel est le mauvais côté en fonction de là où la mondialisation nous aura fait établir résidence.


[1(*fils de l’Europe)