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Mon homme à moi, ou le nôtre ?
Mercredi 10/05/2006
mercredi 10 mai 2006, par
C’est bizarre la vie. Bizarre et déroutant. Tout jeune, la dictature du romantisme nous fait comprendre que « dans le monde chacun a sa chacune ».
Il parait que pour chaque homme correspond une femme, la sienne, celle faite pour lui. Et réciproquement.
Évidemment quand cette utopie typiquement européenne a traversée les frontières, les mers et s’est distillée dans nos cultures noires, elle a omis de s’adapter à la réalité de tous les jours, aux mœurs et coutumes de l’Afrique.
Dites-moi, comment voulez-vous expliquer à cette adolescente le principe même du « un homme pour une femme » quand elle a grandi dans une « cour commune », dans laquelle son père, patriarche omnipotent, vit entouré de ses 3 femmes aux multiples rejetons. Elle y a vécu une enfance heureuse et hormis les empoignades liées à la vie quotidienne, elle n’a vu autour d’elle qu’amour et tendresse familiale.
D’après la télé le grand bonheur ne peut venir que du format occidental « un homme pour une femme et leurs enfants ».
Elle l’adolescente en quête de son identité, où voulez-vous qu’elle tourne son regard ?
Si tous les ami(e)s de son lycée hexagonale lui jurent par "A+B" que son mode de vie, entouré de sa mère et sa belle-mère, est totalement contre nature, cette française totalement africaine n’a-t-elle pas des raisons de se sentir perdue ?
Pour elle, accepter ce que l’occident voit comme l’équivalent d’un crime, une exploitation, un quasi esclavage de ses mères, tantes, sœurs, équivaudrait à accepter le fait que son père soit un criminel, un être sans cœur dénué de tous scrupules. Ou presque. Et ça c’est dure à digérer.
Son père, cet être à la fois si distant et si proche. Celui qui tous les jours se saigne jusqu’aux os pour assurer soit le minimum vital, soit une vie de château pour sa famille.
Cet homme qui semble aimer chacune de ses femmes tendrement et ces femmes qui semblent avoir pour lui autant de tendresse en retour. Tout cela ne serait donc que comédie et poudre aux yeux ?
L’occident lui assure que ses mamans souffrent de la domination de son père. Jusque là elle ne voyait qu’une organisation de la vie où chacune de ses mamans a sa place, son rôle à remplir, sa partition à jouer. Tout serait donc faux ?
Sans en avoir l’air, le vrai choc de culture se situe là. Dans la vision du couple, de l’amour, de la famille.
Adolescente d’une Afrique dont l’intrusion occidentale déchire le voile culturel ou adolescente française dont les mœurs familiaux africains se doivent d’intégrer sa culture hexagonale. Dans les deux cas la collusion ne se fait pas sans pertes, sans traumatismes.
Découvrir que, pour ses parents, la personne aimée n’est pas obligatoirement celle faite pour sa vie, que les deux peuvent cohabiter. Refuser cet héritage du partage de ce qui pour elle, l’occidentale, parait inacceptable : son amour. C’est aussi pointer du doigt les manquements de ses parents.
« Père, mères, vous avez tord dans votre mode de vie » .
Dure, dure pour elle. Dure pour eux d’accepter les accusations, même non dites, de leur fille.
Mais il faudra qu’elle vive ça, et avec ça, car déjà sa culture à elle n’est plus celle de ses parents. Elle, elle veut SON homme, SON amour et l’unique père de SES enfants à elle.
Souhaitons lui bonne chance dans son combat, d’autant plus que l’occident, qui a instauré la dictature du grand amour, commence petit à petit de se libérer du syndrome de « la belle aux bois dormant », et à l’expression « l’amour de ma vie » se substitue de plus en plus celle de « l’homme (femme) de ma vie ».