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African romantism

dimanche 24 novembre 2013, par Dridjo

Allégeance au fleuriste Paki extorqueur de piécettes en euros, culte au saint-pognon-Valentin et – subtilité du romantisme – souvent dans l’unique sens du mâle vers la femelle. Oui, rappelez-vous, le romantisme occidental semble être un besoin féminin qui génère une obligation masculine.

J’ai été tenté de hurler en lingala, j’ai eu la tentation de gueuler en kikongo. Mais, pauvre de moi, ces langues si sont peu lues que râler avec leurs mots ne sert pas plus que de pisser du haut de "Air Makanda". Je dois donc me résoudre à réfléchir, à haute voix, en français. D’abord parce que c’est plus facile pour moi et ensuite, parce que le problème de la traduction c’est que les mots perdent la réalité du concept quand l’on passe d’une culture à l’autre et s’il y a bien un mot qui est férocement harnaché aux racines culturelles occidentales c’est bien le "romantisme".

Ah… le romantisme. Google, dieu de la vérité du 21ème siècle, nous dit que "c’est un mouvement culturel apparu à la fin du XVIII siècle en Allemagne et en Angleterre" d’un côté, et de l’autre il dit que le romantisme est né du XVII siècle français et que c’est madame de Staël qui a foutu le boxon en en popularisant ce concept Allemand qui était opposé au "classique".

Donc, le "romantisme" serait l’opposé du classicisme puis, de plus en plus, le romantisme a revêtu des oripeaux aussi large que la passion, l’exaltation amoureuse, l’expression de la tendresse …

Mais surtout, ce romantisme s’est focalisé, avec l’avènement de l’ère de la consommation, en symbole ultime de l’attachement, en dégoulinance sirupeuse du sentimentalisme. Enfin, je veux dire que le romantisme est devenu, dans l’occident du 19ème siècle, la – quasi – unique expression de l’amour pour l’autre sexe. Il va sans dire que la société étant machiste, le romantisme est vu comme étant une "demande" des femmes que l’on se doit de combler sous peine de subir les foudres de la gent féminine, mais pas que.

Maintenant, voyons notre présent. Dans ce présent où les armées occidentales ont colonisé le continent africain, puis – feinte de corps ! – ont laissé le soin à la culture de cette société occidentale de finir le boulot. Résultat des courses, grâce en très grande partie à ces chers pères blancs catholiques, la chrétienté s’est imposée – par la cravache – aux peuples africains. Et surtout, la culture européenne s’est imposée non seulement en diabolisant tout ce qui lui était étranger – de la danse de la pluie au kinkéliba en passant par le mougomboro – mais aussi en portant aux nues toutes caractéristiques culturelles qui venait de l’Europe-modèle ultime. En portant aux nues, par exemple, des mots qui n’existent pas dans mes langues africaines (lingalas, kikongos) et dont le concept même qu’ils renferment leurs sont totalement étrangers. Impossible à traduire.

Revenant donc à ma diatribe sur le romantisme. Le lien entre les deux propos qui semblent n’avoir aucun lien ? En quelques phrases :

  • Les africains ne sont pas romantiques
  • Les africains ne montrent pas leurs sentiments, ils ont honte du romantisme
  • Les noirs blédards sont trop bruts et ne connaissent pas le romantisme
  • Les africains évolués sont parfois capables de romantisme

Caricatures et exagérations ? Si seulement…

J’ai commencé à entendre ce type de phrases depuis mes Kinshasa et Brazza natales en passant par Dakar, en finissant par, of course, certaines villes d’Europe. Et elles ne venaient pas toujours de femmes qui montraient d’énormes signes extérieurs d’occidentalisation. Précision, ce sont aussi bien les dames blanches – mais assez peu tout même, peur des baffes, pas folles les donzelles – ainsi que des hommes – résidus de couillons – et surtout, surtout, des femmes noires, qui énoncent ce type de conneries, même à trente piges derrière elles, avec des phrasés convaincus d’affirmer des évidences universelles.

Mon dieu, calmons-nous, pas de violence verbale.

A ce point de la lecture, vous, lecteurs, vous attendez à lire une dénégation vigoureuse de ces assertions généralement dites sur un ton condescendant, avec une pointe de "Oooh, les pauvres" et un gros sous-entendu férocement péjoratif. Ben, et que nenni !

Pourquoi donc tenterais-je le concours de Mister Romantisch, moi qui suis d’une culture non-occidentale, dont l’éducation, bien qu’imbibée de culture européenne, s’est faite sous les ors du vieux manguier stérile de ma baraque de Talangaï ?

Pourquoi me défendrais-je devant des :

  • Tu ne m’embrasse pas devant ta cousine parce que tu ne m’assume pas !
  • C’est la Saint-valentin et tu ne m’offre pas de flamand rose dans une pantoufle cousue de fil d’or !? C’est la Saint-valentin !!!
  • Oui, tu paies le resto, les factures et la bouffe, mais tu ne m’offres pas de fleurs, tu ne m’aimes pas !
  • Pourquoi refuses-tu le sexage – bruyant – quand nous sommes en week-end chez mes parents, tu refuses de t’engager !
  • Tu ne penses qu’au sexe, tu me désire tout le temps, trop et tu ne me fais jamais de câlin comme la maman de Bambi !!
  • Pourquoi caresse-tu toujours le chien avant de venir m’embrasser ? ("parce que le chien coure plus vite que toi" – dixit François-Xavier Demaison)

Et j’exagère à peine.

Je disais donc, pourquoi me défendrais-je de ne pas être une espèce de mouton que le Panurge mainstream de l’imagerie occidentale aura conduit au bord du précipice du copycat culturel ? Soumission aux flutes de dames qui jugeraient ma valeur de bonhomme à ma capacité à roucouler des niaiseries en rime plate. Allégeance au fleuriste Paki extorqueur de piécettes en euros, culte au saint-pognon-Valentin et – subtilité du romantisme – souvent dans l’unique sens du mâle vers la femelle. Oui, rappelez-vous, le romantisme occidental semble être un besoin féminin qui génère une obligation masculine.

Tout ce blabla si haut ne vise, vous l’avez compris, qu’à faire une espèce de rapport d’étonnement face à ces propos à la connerie abyssale, cachant une colonisation des esprits d’une profondeur insondable et qui pourtant truste les cerveaux d’une tonne d’individus – Blancs, Noirs – de tous sexes et de tous niveaux intellectuels confondus.

S’étonner des choses, se demander si sa réaction d’une violente exaspération est disproportionnée et, puisque les symptômes semblent transcender les générations, si l’on n’est pas, en fait, le Dr Malcolm Crowe de l’histoire.