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De l’idéologie politique et l’africanité
jeudi 30 août 2012, par
Vaste sujet. Encore plus vaste que je ne le pensais quand la question m’a effleurée l’esprit. Encore plus crucial, quand on y pense, quand il s’agit de considérer le développement, la croissance, l’avenir économique des pays africains.
Oui, "avenir économique". C’est bien de cela dont il s’agit. Il s’agit de se demander pourquoi les économistes africains les plus chevronnés, les observateurs des soubresauts économiques que connaissent les pays africains ne lient que trop rarement économie et idéologies politiques. Ne parallélisent presque jamais l’outil "économie" à la pensée philosophique de la gestion de la société quand, pourtant, ce lien semble être un point plus que névralgique.
Avant de considérer des choix économiques, les dirigeants africains devraient penser la politique qu’ils veulent pour le pays. Ces orientations politiques, donc philosophiques, donc idéologiques, qui guideront les choix finaux. Concrètement, une fois aux "manettes" des nations, quelles seront les priorités ? et sous quel modèle ?
- Le modèle libéral américain basé sur le mérite individuel et la libre entreprise ? Modèle dont le fondement est la liberté – quasi – totale d’inventer sa réussite personnelle en s’exonérant le plus possible de l’intervention de l’état ? Le moins de taxes possible sur le dos des entrepreneurs et l’état géré comme une grande entreprise Keynésienne ?
Les USA sont aujourd’hui à la pointe de l’économie mondiale, nonobstant la casse social inhérente à ce type de système. L’exemple de l’Inde dont le modèle de croissance choisi est très proche de ce capitalisme assumé est là pour montrer l’efficacité du système.
Les pays africains anglo-saxons, proches de ce modèle semblent montrer que celui-ci peut s’inscrire dans certains aspects de la culture du continent qui élève les forts et s’incline devant ceux qui ont réussi.
- Le modèle centralisé français et Nord européen d’une façon général, avec son héritage social, son libéralisme économique contrôlé par des états forts ? Bien que l’actualité montre ses failles, ce modèle a donné naissance à des pays dont le système social de prise en compte du bien-être des populations est l’ADN politique des classes dirigeantes.
Et, culturellement, ce modèle ne dépareillerait pas dans des paysages africains héritiers de grands royaumes et empires – Kongo, Wagadu, Songhaï, Kitara, Téké… - qui prospérèrent sous la tutelle de pouvoirs forts et centralisés.
- La Chine et son Maoïsme, adaptation culturelle du communisme russe, qui grâce à la conduite "à poigne" – c’est peu de le dire – a donné une vraie ligne directrice, cohérente, à la politique du pays, montre son efficacité. Sa croissance fulgurante débutée dans les années 80 ne se dément pas avec cette "dictature communisante" qui a intégré le pragmatisme capitaliste depuis la fin des années 90.
Le partage des ressources sous la tutelle d’un pouvoir fort. Du chef du village au roi, ne sont-ce pas là des traits culturels de passés africains que l’on pourrait rapprocher de la voie Maoïste ?
- La Russie, ou plutôt l’ex-URSS, avec son communisme marxiste donnant la main politique à une classe ouvrière défenseure de la communauté des biens, du partage équitable des richesses quitte à en passer par la dictature du prolétariat. Elle a eu ses succès en matière de développement économique. La grande Russie des années 50 à la fin des années 70 a damé le pion au monde occidental avant que l’histoire n’ait raison d’elle.
La communauté des biens, le travail au service de l’homme… des notions qui font écho à la philosophie de vie du passé africain.
- Et même, ce conservatisme des républicains américains, ce "Dieu-famille-patrie" des mouvements occidentaux chrétiens que ne renierait pas les teabaggers US, défini des priorités idéologiques, et donc, des choix économiques.
Le modèle d’éducation propre aux cultures africaines ne se marient-il pas avec certaines de ces idées ? La place de l’adulte, le respect dû aux anciens, les devoirs des enfants envers les parents – qui ne sont pas des "copains" à la mode soixante-huitarde –, la place de la spiritualité comme fondement de l’éducation…
Bien de nuances existent dans ce panel d’idéologies politiques mais, globalement, la pensée philosophique de la gestion des états aujourd’hui nous offre des options qui, chacune d’elles sous certains angles de vue, d’une certaine manière, semblent proche de ce que l’on pourrait considérer comme étant de "culture africaine. Si l’on me pardonne cette généralisation du concept de "culture". La question est, une fois encore, quid des pays africains ? Vers quoi allons-nous, devrions-nous aller ou même devrions-nous retourner ? Quelle est, fut la ligne idéologique des élites africaines. Si jamais elles ont en eu une, et quelles étaient – sont- les outils économiques associées ?
Quelle est la pensée politique des Sassou NGUESSO, Paul BIYA et Idriss DEBY, Alassane OUATTARA, Faure GNASSINGBE ? Sont-ils pour la libre entreprise ? L’ouverture des marchés, la priorisation aux données aux PME ou aux grands groupes, la liberté aux fonds de pension, la régularisation des marchés par les états, etc…
Quelles sont les orientations philosophiques des MWAI KIBAKI, JAKAYA KIKWETE, Blaise Compaoré, Ikililou DHOININE, Joseph Kabila ?
Ces questions conditionnent l’orientation, ou plutôt la non orientation, des politiques publics et économiques des pays. Qu’ont appris ces dirigeants formés, moulés dans des idéologies et des orientations politiques complètement différentes selon que l’ancien colonisateur soit anglo-saxon ou francophone, selon que les élites aient été forgées dans les écoles cubaines, roumaines, françaises ou anglaises ? Quelles sont leurs visions.
Ne nous y trompons pas, ces questions ne sont pas pures rhétoriques. Comment considérer qu’une entité "Afrique" puisse connaitre une croissance économique si les moyens idéologiques pour y parvenir ne sont pas, un tant soit peu, partagés ?
De mes – faibles – connaissances historiques africains, il ressort que très peu de leaders, passés, africains avaient une réelle pensée philosophique de gestion de la cité, qu’elle ait été empruntée à d’autres ou pensée par eux-mêmes.
- Des écrits existant ont montré de vraies pensées, si ce n’est communiste, du moins révolutionnaires, chez Patrice LUMUMBA, Marien NGOUABI, Thomas SANKARA, etc… plus ou moins disciples de Mehdi Ben BARKA, Um NYOBE, ou Ché GUEVARA. Et surtout, ne pas se faire prendre par la poudre jetée dans nos yeux par de nombreux autres présidents africains qui se sont parés de ces mouvements comme vêtement pour dictateurs exotiques.
- Le socialisme africain n’a eu, au final, que très peu de pères dans les leaders africains, et quasiment aucun descendant pour faire honneur aux Kwame NKRUMAH, Julius NYERERE ou Sédar SENGHOR.
- L’authenticité de MOBUTU, s’est noyée dans le sang de la dictature tropicale qui prit le pas sur le désir d’affirmer une identité zaïroise, à défaut d’être africaine. Cette forme de nationalisme revendiquée n’était-elle pas un ersatz du protectionnisme économique – et culturel – à la chinoise ?
La liste est loin d’être exhaustive mais, qu’est-il resté de ces idées politiques ? Rien, semble-t-il, dans les classes dirigeantes et une multitude de déclinaisons dans l’élite intellectuelle africaine.
De là, les questions existentielles qui découle ; comment croire en la survivance de l’idéal panafricaniste, de l’unification politique et culturel des pays africains si la conception des modèles économiques de croissance ne sont pas, un minimum partagé ?
Entre le panafricaniste social-africain Kwame NKRUMAH, les panafricanistes et libéraux revendiqués Abdoulaye WADE ou Good Luck JONATHAN, le panafricaniste et dictateur Mouammar KADHAFI… où se trouvaient les liens en matière de pensée économique et donc de modèle de croissance ?
Les africains auraient tords de considérer l’économie comme étant une science mathématique qui peut s’exonérer de la ligne directrice philosophique.
L’économie est une "science sociale" et donc les efforts de croissance doivent avant tout amener à réfléchir sur les choix de société. L’Union Européenne montre que construire une entité en se basant uniquement sur l’économie – comme donnée mathématique – ne peut fonctionner à long terme si l’on fait l’économie d’unifier, ou au moins, d’homogénéiser les visions que l’on a sur le futur des sociétés.
L’économie n’est qu’un outil dont le choix dépend des choix idéologiques. Quels sont les choix des peuples africains ?