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Non-résolutions 2014

lundi 23 décembre 2013, par Doszen

"Non, je n’en n’ai rien à f… de ceux qui ne lisent pas, mon seul but, mon seul objectif, c’est de travailler au corps les – déjà – lecteurs pour qu’ils découvrent tous ces auteurs issus des cultures autres que occidentales. Les bons, les moins bons, les nuls ; tous disent quelque chose de ce que nous sommes et influent sur notre façon de voir le monde."

Une année qui se termine est toujours propice aux questionnements et aux interrogations de tous ordres. Après avoir admis n’avoir fait aucune erreur de choix durant les onze derniers mois, parce qu’il n’y a aucune obligation à s’autoflageller pour faire plaisir à la coutume Saint-Sylvestrienne, j’étais donc sur le point de fermer ce dossier ainsi que celui siglé " Bonnes résolutions 2014 " quand des conversations me sont remontées au cerveau. Et ces remontées au cerveau ont dragué avec elles certaines évidences.

Des années que j’entends "moi, j’ai une vie" quand on fait remarquer à certains leur manque d’engagement dans n’importe lequel de leurs "combats". L’engagement par le blabla virtuel, sans rentrer dans l’action, sans jamais mettre la main à la patte, de ceux qui semblent croire que ceux qui peuvent parler ET agir n’ont pas mieux à faire. Pire, les "félicitations" faciles qui ne coûtent rien, n’apportent rien si ce n’est caresser dans le sens du poil des égos qui n’auront pas besoin de s’auto-branler. Et quand ce ne sont pas ces Charybde-là, nous tombons sur les Scylla hyper-activement-investis dans une "cause" qu’ils estiment être l’ultime catalyseur du bonheur de l’humanité. Ceux qui n’acceptent pas que leurs combats, bien ou pas bien, ne soit pas forcément ceux des autres et, qu’au final, l’important est bien de faire son Stéphane Hessel. Et de lire, bien sûr.
"Ne plus jamais parler à ceux qui ne servent à rien si ce n’est à la ramener". Tel aurait dû être une de mes résolutions 2014. Mais ma résolution 2003 de ne jamais prendre de résolutions l’emporte.

"Les Noirs n’aiment pas lire". Que de conneries dans cette phrase trop souvent ressassée par ceux qui, ayant lu 4 fois Fanon et 5 fois Cheikh Anta Diop, en 5 ans, se croient intégrés dans la caste des initiés "lecteurs" . Conneries. Les Noirs ne lisent pas moins ou plus que les Blancs, les Latinos ou les Asiatiques. Ceux qui lisent son minoritaires chez les africains comme dans toutes les autres communautés. Je me suis rappelé que je m’investissais dans les "Palabres" non pas pour "faire lire les Noirs qui ne lisent pas", mais pour pousser ceux qui lisent à lire des auteurs des Afriques. N’ayant rien d’un évangéliste du 7ème jour littéraire, je n’ai aucunement l’ambition de transformer en lecteurs des gens qui auraient la phobie du livre.
Quelle vanité ce serait ! Non, je n’en n’ai rien à f… de ceux qui ne lisent pas, mon seul but, mon seul objectif, c’est de travailler au corps les – déjà – lecteurs pour qu’ils découvrent tous ces auteurs issus des cultures autres que occidentales. Les bons, les moins bons, les nuls ; tous disent quelque chose de ce que nous sommes et influent sur notre façon de voir le monde.
Je n’ai que faire de capter l’audience de ceux qui s’affalent trois heures devant Nabila et autres téléréalitiens – avec ou non l’excuse pourrie de l’instant de détente – et ont des poux dans la tonsure à l’idée d’écouter dix minutes Sami Tchak nous parler de l’engagement des artistes ou Françoise Hervé s’extasier devant la prose d’une Chimamanda Ngozi Adichie.
Je n’ai aucunement ambition de rendre les cons moins cons en 2014 et cette non-résolution est valable pour les non-lecteurs.

"Pourquoi donc parler de livres que l’on n’a pas aimé plutôt que de mettre en avant ceux que l’on aime… ?" question récurrente et qui a sa raison d’être dans une réflexion pré-résolution annuelle. Je m’extrais du contexte "Palabres autour des arts" puisque, de toutes les façons, les livres étant choisis des mois à l’avance il n’est pas question de filtrer au dernier moment ceux que l’on n’aurait pas apprécié. D’abord parce que l’on risquerait de se retrouver avec zéro livre à chroniquer certains mois, et puis parce que la beauté de la critique littéraire ne réside pas dans les fleurs que l’on jetterait à une œuvre mais dans l’analyse que l’on fait du ressenti que l’on a eu en la lisant. La beauté de l’exercice est dans l’argumentation qui accompagne notre désamour, argumentation qui peut – et doit – être contre-argumentée par une autre vision – subjective également – de l’œuvre. C’est là le minimum de respect que l’on doit aux gens devant lesquels on ose se présenter pour donner un avis – qui ne devrait intéresser personne – mais aussi le respect que l’on doit à l’auteur en lui montrant que l’on a pris le temps de lire et d’analyser le fruit de ses efforts. Une non-résolution pour 2014, ne dire QUE les aspects positifs d’un livre.

Dans la même veine, une redondance, le sempiternel "oui, mais l’auteur beaucoup travaillé sur cette œuvre, on ne peut pas en donner une mauvaise image"… qui reste, pour moi, incompréhensible. J’ai usé mes yeux, mon cerveau et mes jambes en aller-retours sous un lampadaire à peine éclairant pour préparer les examens dans ma vie d’étudiant et aucun professeur ne m’a jamais donné une bonne note avec la mention "vous vous êtes complètement planté mais, vu vos efforts, je vous mets la moyenne". Je ne comprends donc pas pourquoi je devrais porter aux nues une personne qui aurait gratté des mots sur cinq cent pages simplement parce que j’aurais une certaine conscience du travail que cela représente. Chroniquer un livre ne consiste pas à compter le nombre d’arbres abattus pour accueillir la prose des écrivains. Une chronique littéraire est un exercice qualitatif et non pas quantitatif, inverser les choses en 2014 n’est donc pas une résolution adoptée.

"Dire du mal de quelqu’un que l’on connait…" est une sentence évidemment mal posée quand il s’agit de dire son ressenti sur un livre. Il n’est nullement question de dire du mal de quelqu’un mais de dire ce que l’on pense de ce qu’il a produit. Trois ans de "Palabres autour des arts" m’ont fait mettre le doigt sur une évidence ; le format de ce concept que j’ai pensé n’est pas destiné à durer.
Lire et dire ce que l’on pense, franchement, sans prendre de gants, est aisé quand on ne connait pas les auteurs et que l’on n’a aucune chance de les croiser. Dans les cas contraires, les choses se corsent. Du chroniqueur qui n’osera pas à l’auteur qui le prendra personnellement et lui en voudra, c’est grillé d’avance, nous sommes destiné à être triquard.
Plus vous vous investissez dans la rencontre et d’avec les gens - auteurs ou lecteurs - plus vous ressentez les liens, les freins, psychologiques ou réels, quant à ce que vous pourriez dire ou la façon dont vous voudriez vous exprimer.
La critique littéraire a besoin de la distance du non-connu, de la non-interaction d’avec les gens pour garder sa liberté. Le promoteur de cette littérature a besoin des autres, il se doit de gérer les égos, gérer les états d’âmes quitte à n’en récolter que les chiures, il a besoin du concours de tous ; lecteurs et auteurs.
Recyclage probable d’une résolution 2013, faire le choix de la liberté, arrêter les frais.